30'000 heures de bouchons malgré l'extension des autoroutes
Albert Rösti sait pourquoi il veut développer les autoroutes. Il s'insurge publiquement dans les médias contre les 30'000 heures d'embouteillage et les 3 milliards de coûts que cela engendre. Selon lui, afin de supprimer les bouchons, il faut construire de nouvelles voies d'autoroute.
Les embouteillages n’ont rien de bien séduisant. Ils nous énervent, nous font perdre du temps et arriver en retard. Mais ce que le conseiller fédéral Albert Rösti ne veut pas voir, c'est que nous construisons des autoroutes depuis des décennies en Suisse sans pour autant que les bouchons ne diminuent. Ils restent constants et persistants. Le seul effet de ces constructions ? Déplacer les embouteillages d'un goulet d'étranglement à l'autre.
Le slogan déjà ancien «Qui sème des routes récolte du trafic» n'est pas une idéologie verte mais un standard dans la recherche sur la mobilité. Ce phénomène s'appelle le «trafic induit». Si les routes sont agrandies, la conduite automobile devient plus attrayante et le trafic augmente. Les gens continuent à se déplacer, à prendre la voiture pour leurs loisirs et à se rendre plus loin pour faire leurs courses. Tout est si rapidement accessible! Jusqu’à ce qu’on se retrouve coincé·e dans le prochain embouteillage.
Sébastien Munafò, géographe et docteur ès sciences à l’EPFL explique comment cela fonctionne dans le dernier webinaire de l’ATE. Des exemples aux États-Unis montrent où mènent des aménagements jusqu'à 6 ou 8 voies comme ceux prévus actuellement en Suisse : on peut bien pourvoir une autoroute de 26 voies, comme à Houston, mais les embouteillages persistent. Pire, ils s'allongent.
Entretemps, nous savons aussi que le contraire a été testé dans la pratique. La réduction des voies de circulation entraîne une diminution du nombre de voitures. Là aussi, il existe un joli terme: on parle d’«évaporation du trafic». La circulation diminue plus fortement que ne le laisserait supposer la réduction concrète du nombre de voies. Bien sûr, il faut aussi des mesures d'accompagnement et de bonnes offres pour passer d’un mode de transport à l’autre. Ainsi, la charge de trafic sur la route restera durablement plus faible.
Il manque surtout une chose à Monsieur Rösti : la volonté politique.
Le conseiller fédéral Albert Rösti peut bien calculer le nombre d'heures d'embouteillage et les coûts en milliards. Même l'étape d'aménagement 2023, sur laquelle nous voterons cette année grâce au référendum, ne les fera pas disparaître.
La déclaration du conseiller fédéral sur les transports publics est également remarquable et lui permet de justifier le développement massif d’infrastructures pour le transport individuel motorisé. Il déclarait ainsi: «Il n'est pas possible de développer davantage les transports publics».
Il n'est pas précisé si cette déclaration fait référence à des obstacles techniques, politiques ou financiers. Mais ce qui est certain, c'est qu'il manque surtout une chose à Monsieur Rösti : la volonté politique. Si la répartition modale doit être modifiée, comme le prévoient les plans du Conseil fédéral, il faut de meilleurs transports publics, notamment pour les catégories de la population qui n'y ont aujourd'hui pas ou peu accès. En effet, en matière de respect du climat et de consommation d'énergie, les transports publics surpassent nettement le transport individuel motorisé: plus de 75% des émissions de CO2 proviennent des voitures ou des motos. De plus, les transports publics nécessitent moins d'énergie et d'espace.
La part actuelle des transports publics dans le volume total du trafic en Suisse, également connue sous le nom de répartition modale, varie selon la base d'évaluation entre 13% (par rapport au nombre de trajets effectués) et 28% (par rapport aux distances parcourues). Cette valeur n'a guère augmenté au cours des 15 dernières années. Avec Albert Rösti, il en sera probablement toujours ainsi.
Michael Töngi, conseiller national Verts/LU, membre du comité central de l'ATE Suisse