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Voyager Écosse Loch Aan
Camille Marion

Dans la pellicule des vacances, aucune photo de l’île de Skye, du viaduc qui servit de décor au train magique de la saga Harry Potter ou des rivages brumeux du Loch Ness. C’était pourtant la première idée: s’élancer sur les chemins les plus typiques de l’Écosse, partir à la découverte de ces endroits qui nourrissent notre imaginaire et assaisonnent les légendes qui le peuplent.

Puis, à mesure que l’on se renseigne sur la destination, on s’aperçoit de la richesse et de l’étendue des paysages écossais. Les sites emblématiques le sont pour de bonnes raisons, mais il y a tant d’autres choses à voir… Si elles nous attirent – parfois inconsciemment – au premier abord, les photos prises et partagées par tant d’autres avant nous ont un effet inverse: elles donnent envie de voir autre chose.

Un train pour l’Écosse

Celui ou celle qui explore une région par le rail façonne son programme en fonction des itinéraires, des horaires et des connexions. Quelques mois avant le voyage, on prend le temps de se pencher sur la carte de l’Écosse. Du bout de l’index, on suit les lignes colorées qui relient des points connus – Edimbourg, Aberdeen, Inverness, Glasgow –, puis on s’égare vers les côtes, entre les îles et au cœur des montagnes. 

Le choix s’arrête sur le parc national des Cairngorms, en plein centre de la carte – là où pointent quelques reliefs aux sommets dégarnis. Accessible en quelques heures depuis Edimbourg, la petite station d’Aviemore constitue un point de départ idéal pour explorer la région. Par la fenêtre du train, la photographie est sépia; une végétation fauve et foisonnante recouvre les collines rondes creusées de rivières noires. Derrière ces premiers vallons pointent des montagnes plus élancées. C’est la chaîne des Cairngorms, qui donne son nom au parc et compte cinq des six sommets les plus hauts du Royaume-Uni.

Ici, le paysage diffère complètement du reste de l’Écosse. À quelques endroits subsistent des vestiges de la forêt calédonienne, peuplée de pins sylvestres où vivent des écureuils roux, des mésanges huppées et des martres. Sur le haut plateau des Cairngorms, la plus vaste toundra du Royaume-Uni s’étend à perte de vue.

Explorer les lacs

Été comme hiver, les Cairngorms attirent les adeptes de randonnée et de nature avec ses kilomètres de sentiers. Des plaines venteuses aux sommets les plus reculés, un myriade de lacs parsèment le parc et façonnent son paysage. On en choisit quatre, alignant leurs mélodies gaéliques sur la liste des endroits à explorer: Loch an Eilein, Loch Morlich, An Lochan Uaine et Loch A’an. Ce dernier, caché dans les plus hautes montagnes, constitue un ambitieux objectif au bout d’une longue randonnée. On le réserve pour la fin, préférant d’abord découvrir des rivages plus accessibles.

Blotti dans la forêt de Rothiemurchus, le Loch an Eilein est connu pour son île où subsistent les ruines d’un château. Depuis Aviemore, il faut une petite heure de marche pour y parvenir. On longe la route avant de plonger dans la forêt et d’en rester bouche bée; la bruyère tapisse le sol de ses milliers de fleurs violettes, donnant au décor un parfum surréaliste. Au bord du Loch an Eilein, on aperçoit déjà l’île au milieu des eaux sombres. Une grappe de canards somnolent sur le rivage, insensibles au vent qui balaie leurs plumes. D’ici, il vaut la peine de parcourir la boucle de quelques kilomètres autour du lac. Dans la forêt, la promenade assez fréquentée offre de jolies vues sur l’eau, l’île et les montagnes alentours.

Voyager Écosse Loch An Eilein
Camille Marion
Dans la forêt de pins de Rothiemurchus, le Loch an Eilein est connu pour sa petite île où sommeillent les ruines d'un château.

La plage et les lutins

En direction des montagnes, un arrêt au bord du Loch Morlich est tout indiqué. Au bout du lac, une longue plage sablonneuse attire les foules à la belle saison, mais ce jour-là, le mauvais temps la rend presque déserte. Quelques bateaux amarrés balancent leur coque vide dans les vagues agitées. La pluie pianote sur les tables de pique-nique et alourdit le sable où s’enfoncent nos pieds. À l’abri des pins, quelques tentes indiquent pourtant que la saison des vacances n’est pas encore terminée.

Depuis le rivage, on s’éloigne dans le parc forestier de Glenmore en direction du lac vert ou An Lochan Uaine. Il faut grimper quelques kilomètres parmi les arbres pour atteindre ce petit joyau. Sa teinte émeraude provient probablement des algues présentes dans l’eau, mais on préfère à cette explication la légende qui raconte que des lutins y lavaient leurs vêtements.

Viser plus haut

Les trois premiers lacs visités se trouvent au pied de la chaîne des Cairngorms, dont les hauts sommets sont la promesse de paysages uniques mais également d’efforts exigeants. Dans les premiers replis du massif, le Loch A’an compose le décor typique des Cairngorms: un gigantesque cirque montagneux où des rochers renfrognés contemplent un loch étincelant. 

Aux aurores, on embarque dans le Aviemore Adventurer qui relie la petite ville à la station de ski des Cairngorms. Les rares personnes qui montent dans le bus indiquent simplement au chauffeur: «To the mountains, please!», en achetant leur billet. Sur les vingt minutes de trajet, la météo tourne; des gouttelettes de pluie s’écrasent sur la vitre et créent de minces ruisseaux qui déforment le paysage en arrière-plan.

Le bus termine sa course au camp de base des rangers où débute le sentier bordé de bruyère. De loin, les Cairngorms prennent la forme de collines monochromes un peu ternes sous les lourds nuages. Lorsqu’on y met les pieds, on découvre pourtant une végétation chatoyante aux teintes subtiles. Loin de faner le décor, la pluie le nourrit.

Voyager Écosse An Lochan Uaine
Camille Marion
Le lac vert, An Lochan Uaine, est une perle émeraude froissée par le vent.

Arc-en-ciel et ptarmigan

Pendant une courte accalmie, on se retourne pour apercevoir le Loch Morlich surplombé d’un arc-en-ciel. Un ruisseau gazouille le long du chemin alors qu’on avance dans un impressionnant cirque rocheux. Au loin, ciselé dans la paroi de pierre, le minuscule sentier annonce une ascension vertigineuse. C’est raide, glissant, les cailloux forment un enchevêtrement hostile.

Derrière la crête s’étend une ample plaine marécageuse battue par les vents. La pluie de ces derniers jours a formé un dédale de ruisseaux qui rejoignent la rivière principale. Les pieds s’enfoncent dans un sol spongieux, visent les touffes d’herbes et les pierres comme autant de petits refuges dans cette immensité détrempée. Finalement, on atteint le précipice où le sentier dégringole en direction de l’objectif. Au creux des montagnes, la surface du lac et ses contours imprécis se dessinent. Pendant la descente, les nuages s’éclipsent et le turquoise de l’eau rayonne un instant. On s’arrête, on respire, on s’assied et on contemple.

Le sentier qui longe le lac est gorgé d’eau, ralentissant la progression. On reprend un peu de hauteur en savourant ce décor exceptionnel lorsqu’un frémissement se fait entendre. Un oiseau solitaire promène son plumage gris entre les rochers, peu enclin à s’envoler. C’est un ptarmigan, lagopède emblématique des Cairngorms. 

On avance en direction de la crête en se retournant parfois pour voir les montagnes engloutir le lac. Dans une dernière descente, le large chemin de terre rejoint finalement le camp de base, où le bus nous attend.

Informations utiles

S’y rendre: en train par l’Eurostar, puis Londres–Edimbourg, Edimbourg–Aviemore. Pour explorer davantage l’Écosse, opter pour un pass touristique comme le «Spirit of Scotland» qui permet plusieurs jours de voyage illimité. Informations:  www.scotrail.co.uk

Hébergement: accueil chaleureux et de qualité à la pension Ravenscraig Guest House, à Aviemore: www.ravenscraighouse.co.uk

Et aussi: lire «The Living Moutain», de Nan Shepherd, autrice, poétesse et grande exploratrice des Cairngorms.